Comme un poisson dans l’eau

Pas de parole et pas de bruit,
Pourtant, tu sais, je souffre aussi.
Tu ne vois pas, alors tu nies
Mon univers anéanti.
Il y a quand même bien plus grave,
Il y a quand même bien pire
Que des êtres que l’on entrave,
qu’on asphyxie et qui expirent.
Le prix du gasoil ou des playmobils,
Voilà des sujets moins futiles.
Dis-tu, que c’est presque immoral,
Considérer un animal.
Éventré de tous mes tourments,
On ne me laisse aucune chance:
Ce monde est fait pour les bruyants,
Alors que je hurle en silence.

Les poissons sont les animaux que nous, les humains, maltraitons le plus, que ce soit en termes de quantités ou de souffrance infligées.

Certain.e.s d’entre nous ne semblent d’ailleurs même pas conscient.e.s que ce sont des animaux: lorsqu’on explique que l’on est végé ou végane, on nous répond souvent “Ah bon? Mais même le poisson, tu n’en manges pas?”

Pourtant, non seulement les poissons ressentent la souffrance, mais iels ont aussi des capacités émotionnelles, relationnelles et cognitives très développées. Si on ne le sait pas, c’est tout simplement parce que peu d’humains s’intéressent aux poissons en tant qu’individus.

Il paraît qu’on ne peut aimer que ce qu’on connaît, c’est pourquoi dans cet article, nous allons faire une plongée dans l’univers fascinant des poissons avec cinq infos tirées du livre Les paupières des poissons de S. Moro et F. Vaucher.

  1. Les poissons ont un odorat surdéveloppé (par rapport à nous)

Les poissons possèdent des narines, et cet organe ne leur sert qu’à détecter les odeurs (contrairement à nous, pour qui les narines servent d’abord à respirer).

Dans l’eau, les particules d’odeurs sont portées par le courant et elles peuvent aller bien plus loin que dans l’air.

Certaines espèces de poissons peuvent détecter des molécules olfactives à des concentrations d’une picomole (il s’agit de 10-12 mole, sachant qu’un litre d’eau contient environ 56 moles)!

  1. La peau des poissons est très sensible

Leurs écailles sont recouvertes d’un épiderme, et en dessous, il y a aussi un derme (comme nous!). Le tout est recouvert d’une couche de mucus qui les rend aquadynamiques et protège leur peau contre le sel (pour les poissons de mer).

Des études sur les poissons ont montré que le meilleur moyen de les calmer en cas de stress, c’est… de leur procurer des massages! C’est d’ailleurs ce que font les poissons-laveurs (haha! c’est pas leur vrai nom, hein!), ces petits poissons mangeurs de parasites, pour prendre soin de leurs client.e.s VIP!

Chez certains poissons, la peau est tellement sensible qu’elle leur sert même à “voir” (grâce aux déformations des ondes de l’eau, iels peuvent se faire une image mentale de ce qui les entoure), ou à goûter, comme le poisson-chat à queue rouge qui possède 75 000 bourgeons gustatifs répartis sur tout le corps!

3. Les poissons sont capables d’anticiper le futur et d’agir en conséquence

Trois espèces de singes et une espèce de poissons ont été comparées sur une expérience qui impliquait de faire un choix par anticipation. En gros, il y avait deux assiettes, une rouge et une bleue, et les deux contenaient des friandises. Si le sujet commençait par la rouge, l’assiette bleue disparaissait immédiatement. S’iel commençait par la bleue, les deux assiettes restaient et le sujet avait accès aux deux friandises. 

Alors que les primates ont donné des résultats bien en dessous de ce qui était attendu, les poissons ont pulvérisé les scores en comprenant la tâche en une poignée d’essais à peine*!

Les scientifiques ont ensuite inversé le protocole (la couleur temporaire est devenue fixe, et vice-versa), et là encore, les poissons ont été les premiers à comprendre que la règle venait de changer et à s’y adapter en conséquence. 

→ Il s’agit d’un type de modification qui n’existe pas dans leur milieu naturel, ce qui prouve  une flexibilité cognitive impressionnante!

*Pour info, un des scientifiques a réalisé ce même test chez lui avec sa fillette de 4 ans: elle n’a jamais réussi…

4. Les poissons protègent leurs ami.e.s

Pour se nourrir, certains poissons de récifs doivent mettre la tête dans des petites crevasses pour aller chercher des algues. Cela obstrue leur vision et les rend vulnérables aux prédateurs qu’iels ne peuvent pas voir arriver.

Question: Comment manger sans se faire manger quand on est un poisson de récif?

Réponse: Avoir un.e ami.e pour monter la garde!

Si un prédateur arrive, la vigie bat des nageoires pour prévenir son/sa binôme de partir en vitesse. Et s’il n’y a pas de danger, le binôme inverse les rôles.

Ce fonctionnement implique des capacités complexes puisqu’il faut, entre autres, être capable de:

  • reconnaître son/sa binôme,
  • se souvenir de ses actions passées pour décider qu’on lui fait confiance,
  • anticiper la réciprocité d’une action (“si je te protèges, tu me protègeras”).

C’est ce qu’on appelle de l’altruisme réciproque.

5. Les poissons dépriment

Chez les saumons d’élevage, enfermés à plus de 200 000 individus dans des espaces minuscules, des comportements dépressifs ont été observés:

Certains poissons cessent de s’alimenter, deviennent apathiques, ne bougent plus et se laissent mourir.

A l’inverse, d’autres sont extrêmement agités et expriment des comportements agressifs envers les autres.

Les poissons ont donc bien des expériences individuelles et des personnalités propres puisque face à une même situation, deux individus peuvent réagir de façons très différentes.

A l’heure actuelle, ce sont entre un et trois mille milliards de poissons qui sont tués chaque année pour la consommation humaine, et pour celle des animaux d’élevage…

Les chiffres sont plus qu’imprécis car, comble du cynisme, l’industrie de la pêche ne compte pas les poissons par individu mais par poids: on parle de 90 millions de tonnes d’animaux aquatiques pêchés et tués chaque année.

Cela ne comprend pas la pêche illégale, les “prises accessoires” ni les animaux tués par les filets fantômes. 

Nous n’avons pourtant aucun besoin de manger des poissons pour nous nourrir et être en parfaite santé. 

En plus, comme le montre le documentaire Seaspiracy, les poissons sont un maillon indispensable du traitement du CO2  (plus encore que la forêt amazonienne), et s’ils disparaissent, nous ne pourrons plus respirer très longtemps.

Alors, et si nous aussi, nous faisions preuve d’altruisme réciproque en préservant notre oxygène et en épargnant des êtres sensibles?

Pour eux, pour la planète et pour nous-mêmes, les humains: laissons les poissons dans l’eau. 


Sources et références:

Sur les capacités des poissons: Les paupières des poissons, Sébastien Moro et Fanny Vaucher

Sur le nombre de poissons tués par an: Les cahiers antispécistesAlison Mood

Sur les tonnes de poissons tués tous les ans: magazine Geo

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